
Les tocards magnifiques, perles du mercato
Qui se souvient des Pancev, Denilson et autres Collymore, ces stars bidon qui ont coûté très cher pour rien? A quatre jours de la clôture des transferts, visite guidée au pays des ratés célèbres.
Mathieu Aeschmann - Mardi 28 août 2007
La rumeur d'un été de farniente avait enflé au point d'attirer tous les regards. Ils devaient être la perle rare, le buteur providentiel. Une lueur de classe rayonnant sur une formation quelconque. Peu importent les valises de dollars, leurs pieds valaient bien tout l'or du monde. Mais quelques apparitions seulement ont fini par rendre l'évidence insoutenable. Un contrôle raté de trop, une frappe qui s'envole. Le messie devenait paria, relégué au purgatoire de l'échauffement perpétuel. Dans le meilleur des cas.
La petite histoire du football regorge de ces rendez-vous manqués avec la gloire. Pourtant, le 31 août à minuit, le temps des «bonnes affaires» aura vécu, et quelques présidents-mécènes auront encore cassé leur tirelire, persuadés d'avoir déniché l'oiseau rare. Mais leurs directeurs sportifs visionnaires se souviennent-ils seulement des Darko Pancev et autres Stan Collymore?
Emblématique des excès du football moderne, le transfert, en 1998, du Brésilien Denilson au Betis Séville représente un cas d'école. Roi de l'esbroufe, l'ex-«footballeur le plus cher du monde» (40 millions de dollars) s'enfonce après quelques parties seulement. Très vite, il n'ose plus quitter son domicile de peur de croiser des supporters sévillans. D'autres encore: Amoroso, Woodgate, De la Peña... Depuis l'arrêt Bosman, le footballeur globalisé passe. Avec lui, espoirs et désillusions se succèdent sans pour autant marquer l'imaginaire collectif. Au fait, qui se soucie encore du destin d'Ibou Ba?
En remontant le fil du temps, les erreurs de casting se drapent heureusement d'une nostalgie communicative. Elles gagnent en romantisme loufoque. Témoin l'ouvrage du journaliste italien Furio Zara, qui parcourt vingt-cinq ans de dévotion dominicale à travers les cent plus grands fiascos du calcio*. Au panthéon des «bidoni», Socrates, Ian Rush ou l'incorrigible Paul Gascoigne partagent la vedette avec de sombres inconnus. Les stars déchues y côtoient des histoires rocambolesques. Point de hiérarchie déplacée chez les antihéros.
Attaquant vedette de l'Etoile Rouge Belgrade, le Macédonien Darko Pancev appartient à la première catégorie. Champion d'Europe et Soulier d'or en 1991, il rejoint l'Inter Milan l'année suivante pour dynamiser l'attaque des Nerazzurri. Douze parties et une réussite plus tard, ses errances ont raison de la patience d'Osvaldo Bagnoli. Cédé en désespoir de cause au VfB Leipzig, il finira sa carrière à Sion (1997), sans quitter la place qui lui est désormais dévolue: le banc.
Plus proche du canular, l'arrivée de Hugo Hernan Maradona déclenche, en 1987, les passions du côté d'Ascoli. Sans scrupule, son icône de grand frère avait prévenu, dithyrambique: «Il deviendra plus fort que moi.» Mais la copie ne possède de l'original que le caractère ombrageux et une silhouette parfois douteuse. Trois titularisations, aucun but, il quitte la Botte en catimini. Seule la J-League japonaise lui offrira un asile prolongé.
A l'été 1980, les recruteurs de l'AC Pistoiese - fraîchement promue en Série A - se rendent au Brésil en quête d'un avant-centre. Ils tombent sous le charme de Luis Silvio Danuello, attaquant virevoltant d'une équipe de province. 170 millions de lires passent dans ce qui est, encore aujourd'hui, une des farces les plus contées au bord des pelouses italiennes. Le match visionné au Brésil par les émissaires toscans était-il truqué? De nombreux observateurs l'ont suggéré, tant Danuello parut ensuite emprunté balle au pied.
Belle comme une vieille relique dénichée chez un pucier, l'histoire de Luther Blissett dépasse le cadre du football. Meilleur buteur de Watford (27 réussites en 1982-1983), l'international anglais débarque à l'AC Milan avec une réputation de canonnier confirmé. Mais sa saison calamiteuse lui attire les foudres de San Siro qui, après un ultime penalty dans les tribunes, le rebaptise définitivement «Luther miss'it»! Une décennie plus tard, Luther Blissett transcende bien malgré lui son anonymat retrouvé. Un mouvement anarchiste-situationniste originaire de Bologne s'empare de son patronyme et fonde le Luther Blissett Project. De 1994 à 1999, artistes et activistes de toute l'Europe multiplient les canulars sous l'identité multiple: «Nous sommes tous Luther Blissett!»
Vampetta, Edmundo, Danuello ou Blissett, arrivés sous les flashes qui crépitent, ils sont tous repartis sous les quolibets. Leurs histoires se ressemblent. Elles se dégustent comme un apéritif doux-amer, la veille d'un retour de vacances. Nous sommes tous des «bidoni».
*Furio Zara, «Bidoni. L'incubo. Da Aaltonen a Zavarov. 100 storie di campioni in teoria, brocchi di razza, guitti, avventurieri e giullari del calcio italiano dal 1980 a oggi», Kowalski, 2006.
L'Espagne et ses dépenses somptuaires
Madrid et Barcelone cumulent les gros achats.
Mathieu Aeschmann
Au terme d'un mercato globalement assagi, la folie des grandeurs semble avoir quitté la Grande-Bretagne pour se déplacer vers l'Espagne. La Liga concentre en son sein les équipes les plus dépensières - Real Madrid 118 millions d'euros, Atlético Madrid 80,5, FC Barcelone 71 - et le plus grand «coup» médiatique de l'été (Thierry Henry au Barça pour 24 millions d'euros). Par opposition, Chelsea - ogre habituel du marché - s'est contenté de modestes emplettes (Malouda pour 21 millions), laissant le leadership de l'île à Manchester United (83 millions) et au Liverpool FC (71 millions dont 35 pour Fernando Torres).
A quelques heures de la fermeture du marché, certains dossiers brûlants pourraient encore trouver une issue. Le nom de Nicolas Anelka - globe-trotter de retour en grâce - fait tourner les têtes. L'attaquant des Vagabonds de Bolton intéresse de nombreux clubs, dont son ancien employeur Manchester City. Mais son salaire exorbitant (4 millions d'euros) fait réfléchir les plus entreprenants des dirigeants.
Le cas de Daniel Alvès
Défenseur intenable, le Brésilien Daniel Alvès souhaite quitter le FC Séville pour Chelsea. Séduit par les appels de José Mourinho, le joueur a entamé un bras de fer avec son président, en refusant de monter dans l'avion qui devait emmener son équipe vers Athènes et la qualification pour la Ligue des champions. On articule une offre de 40 millions d'euros. L'avant-centre de qualité est un oiseau rare sur le marché des transferts. Hormis Anelka, Eidur Gudjohnsen pourrait quitter le FC Barcelone, où il est barré par le quatuor «magique»: Ronaldinho-Messi-Eto'o-Henry. Si Lyon et West Ham se sont renseignés, l'Islandais est annoncé avec insistance sur les bords du Bosphore (Galatasaray).
Reste à savoir qui pourra prétendre, dans un an, au titre peu honorifique de «bidone» de la saison. Il est prématuré de s'exprimer, même si, du côté de Marseille, les mines se crispent à l'évocation de l'ailier néerlandais Boudewijn Zenden. Que dire enfin du cas Guy Roux? Accueilli en sauveur par les supporters du RC Lens, le vieux sage a démissionné samedi à la mi-temps de sa sixième rencontre officielle à la tête des Sang et Or.