Une passion partagée
Le premier tour du championnat se termine ce soir. Neuchâtel Xamax se rend à Sion (19h45), où le travail de Bernard Challandes commence à porter ses fruits. Entretien avec un Neuchâtelois passionné et passionnant qui s'est parfaitement fondu dans la réalité valaisanne.
Nul n'est prophète en son pays. Cette maxime élimée s'applique à la perfection à Bernard Challandes. Le Chaulier est depuis des décennies un des meilleurs entraîneurs helvétiques et pourtant, il n'a jamais pris place sur le banc de Neuchâtel Xamax.
Cet été, alors que Sylvio Bernasconi pariait sur Jean-Michel Aeby - quitte à changer très (trop) rapidement d'avis - Bernard Challandes s'asseyait sur la «poudrière» sédunoise. Qui, pour l'heure, se révèle beaucoup plus confortable que prévu. Mais l'entraîneur sait qu'il faut éviter de s'emballer. En commençant ce soir face à la lanterne rouge (et noire)...
Bernard Challandes, le match face à Xamax est-il particulier pour vous?
Absolument pas. Pour moi, cette rencontre est exactement pareille que celle contre Bellinzone de dimanche. Que l'on me comprenne bien. Je me sens profondément neuchâtelois et attaché à ce canton. Mais je partage l'avis de José Mourinho: pour avoir du succès, un entraîneur doit se fondre complètement dans la réalité dans laquelle il travaille. Il expliquait qu'il ne pouvait pas reproduire à Madrid ce qu'il avait fait à Milan, Chelsea ou Porto. De même, je me suis totalement immergé dans la vie valaisanne. A Sion par exemple, le public, à la limite, se moque du beau jeu. Il veut avant tout que les joueurs soient prêts à «mourir» sur le terrain. Je dois constamment penser à ces spécificités dans mon approche.
Et pour l'instant, ça marche, n'est-ce pas?
Les résultats sont bons. Nous n'avons perdu qu'un match, face à Bâle, et 12 points en sept rencontres est un bilan honorable. Nous avons bien progressé à l'extérieur et pouvons faire mieux à domicile. Les deux prochains matches à Tourbillon seront capitaux. Ils nous diront si on peut se raccrocher au wagon de tête ou si les anciens démons vont resurgir.
Le FC Sion donne déjà l'impression d'évoluer plus en équipe...
Je crois que le travail a été bien fait à tous les niveaux. En partant du recrutement. Nous avons travaillé collégialement en fixant des priorités. Et puis, à ma demande, le contingent a été allégé. Même si parfois on risque de se retrouver démunis lorsque les blessures et les suspensions s'accumulent, je n'aime pas travailler avec trop de joueurs. Cela a des répercussions négatives sur l'ambiance au sein du groupe.
Qui doit être au beau fixe, non?
On vit bien ensemble, les joueurs sont réceptifs. Mais c'est souvent comme ça quand on gagne. J'imagine qu'en début de saison dernière, lorsque Xamax enchaînait les victoires, c'était pareil. Il faudra voir ce qui se passera durant les moments difficiles.
L'attente du public est-elle forte après ce début encourageant?
C'est la folie! ça change de tout ce que j'ai connu auparavant. Il y a une ferveur, des espoirs extraordinaires. C'est magnifique et en même temps dangereux, car si les résultats ne suivent pas, les problèmes seront à la hauteur de l'attente. Une de mes priorités est justement de faire en sorte que l'équipe ne s'emballe pas, qu'elle garde un certain équilibre. C'est le seul moyen d'éviter de s'enfoncer lorsque des périodes moins fastes se présenteront. Moi-même je vis avec la passion, mais je sais aussi rapidement revenir sur terre.
Jusqu'où peut aller ce FC Sion?
Objectivement, trois équipes - Bâle en premier, mais aussi Young Boys et Zurich - me semblent un peu au-dessus du lot. Les autres sont toutes très proches, elles connaîtront des hauts et des bas. Regardez le leader Lucerne: il était en train de perdre 2-0 contre Xamax, puis un épisode a tout changé.
Qu'est ce qui manque au FC Sion pour être au niveau des tout meilleurs?
Nous devons beaucoup progresser en phase offensive. On dépend trop de quelques joueurs pour marquer. Pour inscrire un but, on doit parfaitement jouer. Or, quand le FCZ a été champion, j'avais des Hassli, Alphonse, Abdi, Djuric, etc. capables de marquer au moins dix fois dans la saison. On peut partiellement améliorer cela par le travail mais peut-être qu'une réflexion sur le transfert d'un joueur offensif supplémentaire se posera dans un futur proche.
En voulez-vous toujours à U2?
(Il hésite) Pourquoi?
Parce qu'en raison de ce concert au Letzigrund le match contre Zurich a été renvoyé et cela fait presque un mois que Sion ne joue plus en championnat.
Ah, c'est vrai. Non, j'ai poussé un coup de gueule sur le moment, mais au final cette longue pause (réd: Sion a disputé son dernier match de Super League le 28 août face à YB) n'a pas été inutile. Nous avons pu récupérer des blessés, faire de nombreux tests physiques, renforcer les liens dans le groupe... Une chose est certaine: si on perd contre Xamax je n'utiliserai pas la pause comme excuse.
Comment se passe la cohabitation avec Christian Constantin?
Le président est extrêmement exigeant et il met la pression sur ses collaborateurs. Que ce soit dans le football ou dans son domaine professionnel. Il nous teste et nous oblige à ne rien lâcher. En même temps, il nous offre les meilleures conditions pour réussir. Et au niveau de la gestion du groupe, de la formation de l'équipe il me laisse une liberté de manœuvre totale. /ESA
Emanuele Saraceno
Critiques à Bernasconi «horripilantes»
Sylvio Bernasconi aurait pu s'attacher les services de Bernard Challandes cette saison. Il ne l'a pas contacté. Pourtant, le Chaulier ne lui en tient aucunement rigueur. «Je n'aime pas regarder en arrière. Je ne sais pas si avec moi Xamax aurait connu les mêmes problèmes ou pas et au fond, ça ne m'intéresse pas. Peut-être qu'un jour j'entraînerai le club phare de mon canton, peut-être pas. En tout cas, je n'ai aucune amertume, aucune rancœur envers les dirigeants.»
S'il est totalement immergé dans la réalité valaisanne, Bernard Challandes n'est cependant pas insensible aux problèmes que traversent les «rouge et noir». «Xamax fait partie de la culture et de l'histoire du canton. Il est important que le club parvienne à se maintenir en Super League».
L'annonce du retrait de Sylvio Bernasconi accroît les incertitudes. L'entraîneur du FC Sion s'emporte presque. «On connaît les difficultés pour faire vivre un club de football. Un président-mécène, un homme qui arrive, grâce à ses contacts et à ses relations professionnelles, à maintenir un club dans l'élite ne court pas les rues. Je ne suis pas persuadé que dix personnes soient prêtes à succéder à Sylvio Bernasconi.»
Pour cette raison, Bernard Challandes ne comprend pas la réaction d'une partie des supporters. «Les critiques à Sylvio Bernasconi m'horripilent, me sont insupportables. Bien sûr, il n'a pas fait tout juste mais il faudrait avoir un peu de recul et lui dire merci.» Surtout dans le contexte actuel. «Je ne veux pas me lancer dans la sociologie de comptoir mais le canton a connu ses plus belles années sur le plan sportif - tant pour le football que pour le hockey - en périodes de boom économique, que ce soit dans l'horlogerie ou dans la construction. Or, actuellement, Neuchâtel est un canton sinistré. Ceux qui s'engagent à fond pour le sport dans de telles circonstances méritent d'autant plus le respect.» /esa
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