Je remonte ce sujet pour ceux qui voudrait faire un peu de lecture sur Monterrubio et Alex Frei
Pas l’un sans l’autre
dimanche 19 juin 2011 - 21:32 - par Duhault
Coéquipiers et amis dans la vie,
Alexander Frei et Olivier Monterrubio ont tiré leur révérence (définitive pour l’un, au niveau international pour l’autre) à l’issue de cette saison 2010-2011. La réussite et la progression d’un club sont souvent l’œuvre d’un collectif, mais elles peuvent aussi être liés à une association. Celle entre Frei et Monterrubio restera gravée dans les mémoires des supporters du Stade rennais et dans celles... de nombreuses défenses adverses.
On les avait quittés nostalgiques après un dernier baroud d’honneur dans l’enceinte de la route de Lorient. Un lieu commun à ces deux protagonistes dont le passage sous le maillot du Stade rennais a incontestablement marqué leurs carrières. Or, leur réussite à Rennes fut parfois un long parcours du combattant. Un temps écartés et présents dans le « loft rennais » durant l’ère Vahid Halilhodžić, Alexander Frei et Olivier Monterrubio s’étaient forgés une carapace tellement imperméable qu’ils ont su s’en servir pour rebondir, afin de donner tort à leur principaux détracteurs. Le Stade rennais ne s’en plaindra pas.
Monterrubio, l’invité non désiré
Été 2001 : Paul Le Guen laisse place à Christian Gourcuff, qui vient avec quelques idées en tête, dont celle de débaucher Olivier Monterrubio à Nantes, le voisin honni. Pour 28 millions de francs et un contrat de quatre ans, celui qui venait d’inscrire onze buts au cours de la saison précédente se pose comme la première pierre de fondation de la nouvelle identité prônée par la haute direction rennaise. Un choix sportif difficilement compréhensible chez les habitués du ballon rond, tant Nantes jouait alors dans les hautes sphères du classement tandis que Rennes sortait de deux saisons bien décevantes au vu de ses réelles ambitions. Mécontent de son maigre temps de jeu, le meilleur espoir de la saison 1998-1999 cherche une nouveau club pour s’inscrire dans la durée, à fortiori dans une position axiale.
Contrairement aux années précédentes, Rennes n’affole pas le marché des transferts et reste même sage en investissant sur l’expérience d’Éric Durand et la fougue de Frédéric Piquionne. Débutant par un match de Coupe Intertoto face au FC Synot (5-0), Monterrubio ne rate pas sa première à domicile avec un doublé contre l’équipe tchèque [1]. Mais les débuts en championnat sont quant à eux plus laborieux avec deux fiascos enregistrés contre Auxerre (0-5) et à Sochaux (3-4). Lors de la journée suivante, Rennes reçoit Monaco avec la peur au ventre, mais les Stadistes déroulent en corrigeant les coéquipiers de Shabani Nonda sur le score de 3 à 0... grâce à un triplé de Monterrubio.
Un coup-franc pleine lunette, une panenka sur un pénalty et une frappe enroulée - suite à un superbe mouvement à trois entre Anthony Réveillère, Jocelyn Gourvennec et le principal concerné - ont raison de Flavio Roma et du club de la Principauté. Pourtant, de cette rencontre, Monterrubio sort « dégoûté » par les bras d’honneur tendus par quelques éléments d’un groupe de supporters, après avoir fêté son troisième but vers eux. Surpris, mais pas rancunier, il concrétise de nouveau la semaine d’après contre Bordeaux (1-0) en marquant « un but à la rennaise » d’après les dires de Christophe Le Roux [2].
Jamais dans la mesure d’élever son niveau de jeu, la formation de Gourcuff reste empêtrée dans la deuxième partie du classement, loin des attentes du clan Pinault. Muet pendant une dizaine de journées, Monterrubio retrouve les sensations du buteur à Marseille (1-2) puis contre Nantes route de Lorient (2-0). Cet après-midi là, les visiteurs dominent dans le jeu sans concrétiser, avant que Rennes n’obtienne un pénalty en début de seconde période. Face à Mickaël Landreau, avec lequel il s’entraînait auparavant dans cet exercice sur les terrains de la Jonelière, il ne craque pas et efface deux ans de disette rennaise contre l’ennemi juré nantais.
Dans un collectif stigmatisé pour ces manques à quelques postes, Rennes y remédie en s’offrant le services de Laurent Batlles, Toifilou Maoulida et Olivier Sorlin durant l’hiver. Ce faisant, Rennes devient un peu plus compétitif, mais son avenir en Division 1 est encore loin d’être acquis. Il le sera par un parcours remarquable en fin de saison à la maison (quatre victoires d’affilée) dont un succès devant Sedan (1-0) grâce la neuvième réalisation de Monterrubio, synonyme de maintien et de changement de décor.
Aspirant à grandir trop rapidement, Rennes modifie l’ensemble de son organigramme à l’aube de la saison 2002-2003. Ciao Christian Gourcuff, qui laisse son siège à Philippe Bergeroo, limogé quelques mois plus tôt par le Paris Saint-Germain. La suite ne sera que plus chaotique, à la fois dans le domaine sportif ou sur le plan des transferts [3].
Peu à l’aise dans le 3-5-2 imposé par l’ancien adjoint d’Aimé Jacquet, Monterrubio n’est que l’ombre de lui-même, incapable d’apporter son rendement habituel dans cette organisation inoffensive. Alors que le Stade rennais se traîne en dernière position en début de saison, le natif de Gaillac a la particularité d’inscrire deux pénaltys au cours d’un même match contre Sochaux (2-2), alors que Rennes est mené de deux buts à cinq minutes de la fin.
Plus tard, Bergeroo est évincé, avec une seule victoire au compteur en neuf matchs. Vahid Halilhodžić débarque alors, dans le but de provoquer un électrochoc. Utilisé principalement à domicile (NDLR : comme le feront quelques années plus tard László Bölöni et Pierre Dréossi), Monterrubio est encore le grand bonhomme de cette saison en plantant deux buts dans un match couperet contre Montpellier (3-1) au soir de la dernière journée de championnat. Une performance qui permet à Rennes de se maintenir en Ligue 1. Mais pendant ce temps-là, un de ses coéquipiers se posait quelques questions sur son avenir...
Alexander Frei, le petit suisse
Six mois après son arrivée, Dréossi fouine déjà aux quatre coins du globe avec l’envie de dénicher la bonne affaire. Il jette alors son dévolu sur un jeune international espoir suisse, Alexander Frei. Rapidement, les tractations débouchent en janvier 2003 sur le transfert de cet attaquant du Servette Genève. Ses premiers pas sont pour le moins difficiles, même si Frei y met de la bonne volonté. Halilhodžić lui donne sa chance en l’excentrant parfois dans... le couloir droit. Renardeau des surfaces (le renard sommeillait encore en lui) avec une marge de progression optimale, il ne parvient pas encore à se libérer sous ses nouvelles couleurs.
Malgré le déblocage de son compteur-but dans l’élite contre Bordeaux (3-4), Frei atteint ses limites, peut-être fatigué psychologiquement par la saison éprouvante d’un Stade rennais qui joue encore sa survie. Dans un match d’une importance extrême, il manque (ou plutôt Vincent Fernandez détourne) un pénalty dès la deuxième minute de jeu. Malgré une passe décisive sur l’égalisation de l’intenable Dominique Arribagé, l’Helvète exaspère les tribunes rennaises, qui le jugent alors « un peu juste », voire en « post-formation ». À ce moment là, elles sont bien loin d’imaginer ce qui les attend vraiment...
Duo gagnant...
Frei - Monterrubio, Monterrubio - Frei ou comment parler de l’un sans mentionner le nom de l’autre ? On a beau retourner cette association dans tous les sens, il est rare qu’une doublette ait autant pesé dans le collectif du Stade rennais ces dernières années. Une fois le maintien assuré, Halilhodžić prend la fuite vers la capitale, ce qui s’avère être une aubaine pour la majeure partie de l’effectif, fatiguée de ses méthodes.
Sous László Bölöni, la paire Frei - Monterrubio a l’occasion de régler ses comptes envers son ancien coach, et ce dès la saison 2003-2004. Avant que ne débutent les débats, Alexander Frei lui donne d’ailleurs rendez-vous : « On a envie de battre Paris et, a fortiori, avec Vahid. Toute l’équipe est motivée. Croyez-moi, on sera à plus de 100 %». Et ils le seront, tout comme le duo Monterrubio - Frei. Auteur de l’égalisation après l’ouverture du score par Fiorèse, Frei se permet même le luxe d’aller chambrer « Vahid » devant le banc de touche parisien la saison d’après lors de son remplacement. Au cours de cette année 2004, il persécute Fabien Barthez en lui infligeant quatre buts au cours d’un mémorable Rennes - Marseille tout aussi bouleversant qu’enivrant (4-3). Dernièrement, au micro de Canal+, Frei rappelait une anecdote pour le moins amusante sur ce match : « À la mi-temps de ce match, j’ai dit à Kim Källström +Même si je frappe de quarante mètres, je sens que la balle rentrera+ ». Quelques minutes plus tard, sur une de ses tentatives de vingt-cinq mètres, il expédie le cuir dans la lucarne du gardien français.
La complémentarité Frei - Monterrubio devient alors la terreur des défenses adverses, et ce avec une facilité parfois déconcertante. Les deux hommes se trouvent dans n’importe quelle position sur le terrain, pour le grand bonheur du premier, souvent à la réception des caviars du gaucher rennais. À l’image de cette fin d’après-midi de septembre 2005 contre les Espagnols d’Osasuna (3-1) où Frei trompe par deux fois Ricardo sur deux passes de son lieutenant de service, dont un deuxième but magnifique. Auteur d’un déboulé et un centre millimétré côté gauche, Monterrubio sert parfaitement Frei, qui conclut par une volée sensationnelle pour l’un des plus beaux matchs et l’une des plus belles ambiances recensés route de Lorient cette dernière décennie.
À part ça, les deux hommes conduisent à eux deux l’animation offensive rennaise et sont les acteurs majeurs du changement de cap du Stade rennais dans ces années 2000. Non récompensée par l’acquisition d’un titre, cette entente offre néanmoins une participation en Coupe UEFA par le biais du championnat, trente-trois ans après la participation de Philippe Redon et sa bande en Coupe des vainqueurs de coupe.
Individuellement, Frei termine meilleur buteur de la Ligue 1 avec vingt réalisations en 2005 tandis que Monterrubio finit trois fois meilleur passeur du championnat entre 2003 et 2006. La fin de ce cycle coïncide avec le transfert du Suisse vers le Borussia Dortmund moyennant cinq millions d’euros, juste après ses adieux à Rennes, soignés d’un doublé contre Lille (2-2). Orphelin de son partenaire, Monterrubio et son pied gauche chirurgical s’enlisent alors, et sa situation devient de plus en plus fragile à Rennes.
Pierre Dréossi n’en fait pas un titulaire inamovible, et l’union prend fin en janvier 2007 pour un départ express à Lens dans les dernières heures du mercato hivernal. Trois mois plus tard, le public rennais lui réserve une ovation émouvante à la fin d’un Rennes - Lens en forme de retrouvailles - qu’il avait failli ne pas jouer pour une histoire de clause - lorsque le joueur débute un tour d’honneur pour fermer totalement la boucle rennaise.
Son expérience dans le Nord sera moins prolifique qu’à Sion, où il retrouvera un peu de crédit [4] avant de finir poussivement à Lorient [5].
... et indissociable
Après seize ans au haut niveau, le corps de Monterrubio lui a dit stop, pour éviter de faire de nouveau la saison de trop : « Je me suis posé beaucoup de questions depuis plusieurs mois. Le fait de ne plus avoir cette envie et ce manque de terrain ont abouti à cette décision. Ce n’est pas venu sur un coup de tête, c’est mûrement réfléchi » explique t-il au mois d’avril dernier dans les colonnes de Presse Océan.
Du côté d’Alexander Frei, le flair du buteur est encore vivace, avec 27 buts marqués avec Bâle pour l’année de ses trente-deux ans. En revanche, quelques semaines plus tôt, le Suisse a décidé de dire adieu à son équipe nationale, perturbé par les nombreuses critiques auxquelles il avait fait face et qui touchaient même les membres de sa famille. Un crève-cœur pour le meilleur buteur de la sélection suisse (42 buts en 84 sélections) : « J’ai passé dix belles années en équipe nationale. Mais j’ai aussi dû faire face à quelques coups bas. Certains que j’ai provoqués, d’autres initiés sans réelle raison. Je remercie tous les fans pour leur soutien, aussi ceux qui ont été critiques envers moi mais qui ont su respecter les limites du fair-play et de la convenance ».
Un destin quasi-commun pour les deux hommes, même si le Suisse continuera à gambader quelques temps sur les pelouses de l’Axpo Super League. Il continuera à y faire valoir son talent inné de chasseur de buts, sans son fidèle compère, qui a lui décidé de basculer dans l’après-football. Et pour de bon.
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