Le nouvelliste plonge...
Posté : 26.04.2007 09:09
RÉGIONS : Nomination de Jean-François Fournier à la tête du «Nouvelliste»
Date de parution: Jeudi 26 avril 2007
Auteur: Laurent Nicolet
VALAIS. Le nouveau rédacteur en chef, qui n'a de parenté ni avec le promoteur Jean-Marie Fournier ni avec le conseiller d'Etat Jean-René Fournier, pourrait être leur homme dans un grand coup de barre à droite.
Sans lien de parenté, c'est peut-être vite dit: certes Jean-François Fournier, dont la nomination comme rédacteur en chef du Nouvelliste a été annoncée hier, en remplacement de Jean Bonnard, n'est ni le cousin, ni le frère, ni le petit-neveu, ni rien, de Jean-Marie Fournier, le tout-puissant président du conseil d'administration du quotidien valaisan. Jean-François semble pourtant bien être l'homme de Jean-Marie: c'est ce dernier qui a déclenché, en réussissant à inverser un rapport de force défavorable au sein du Conseil, un feuilleton de quatre mois aboutissant au départ de Jean Bonnard, nommé en 2003 contre l'avis de Fournier, et grâce à une alliance entre l'assureur Bernard Donzé et le groupe Edipresse.
Une forte progression
Avec l'entrée de nouveaux membres au conseil, dont le très conservateur et ancien député PDC d'Orsières Maurice Tornay, avec la disgrâce aussi de Bernard Donzé auprès d'Edipresse, tout change: en décembre 2006 Jean-Marie Fournier annonce «un processus de renouvellement de la rédaction en chef», mais peine à transformer l'essai. Quatre mois de tractations durant lesquels Jean Bonnard continue à être rédacteur en chef tout en sachant qu'il se verrait débarqué. Pour ajouter à la confusion, il y a trois semaines les chiffres de la REMP montraient que Le Nouvelliste était celui des quotidiens romands qui avait connu en 2006 la plus forte progression.
Qu'importe: voici officiellement dès août, mais plus probablement dès le 1er juillet, Jean-François Fournier à la tête du Nouvelliste: peu connu en Valais, originaire certes de Nendaz mais né à Saint-Maurice, ayant obtenu un bac à Grenoble et une licence de lettres à Fribourg, il œuvre d'abord à la rubrique sportive du Nouveau Quotidien puis au Canada, tâte de la radio et de la télé. On le retrouve au Matin, où, de spécialiste de l'olympisme et de ses manœuvres de couloirs, il se transforme bientôt en gourou de la nouvelle formule du quotidien orange. S'ensuit un petit tour du côté de Ringier: Jean-François Fournier est actuellement chef d'édition à L'Hebdo.
Bon vivant et noctambule
Le futur rédacteur en chef du Nouvelliste mène parallèlement une carrière de romancier, qui donne de lui l'image d'un auteur assez puissamment hanté par le sexe tarifé ou don juanesque. A sa mère, dit-on, il raconte que ce sont les éditeurs qui l'obligent. Amateur de cigares, réputé bon vivant et noctambule, rien donc ne semble le rattacher au stratège montagnard de l'aile la plus conservatrice du PDC valaisan, Jean-Marie Fournier, ni du cousin de ce dernier, Jean-René Fournier, conseiller d'Etat proche d'Ecône. Mais ceux qui le connaissent savent bien que «Jean-François est à la fois cul et Jésus». Parmi ses hauts faits il aime lui-même à citer d'avoir été reçu en audience privée par Jean Paul II. Hier les mauvaises langues s'en gaussaient déjà: «Cette nomination, c'est peut-être le deuxième miracle dont Jean Paul II a besoin pour être canonisé.»
Le miracle en l'occurrence serait plutôt la volonté affirmée et affichée de Jean-Marie Fournier d'en finir avec l'évolution du Nouvelliste ces quinze dernières années vers un pluralisme de plus en plus marqué - après avoir été des décennies durant l'organe quasi officiel d'un PDC cantonal, alors plus à droite que les radicaux zurichois. Le tort de Bonnard aura été de poursuivre cette mue amorcée par François Dayer. La rumeur hier donnait déjà comme rédacteur en chef adjoint Vincent Pellegrini, talentueux idéologue catholique conservateur relégué en rubrique économique sous l'ère Bonnard. La nouvelle équipe aurait déjà sa feuille de route: un rapprochement avec l'UDC, dont les cousins Fournier - Jean-Marie et Jean-René - n'ont jamais caché qu'ils approuvaient un certain nombre de valeurs. Pour tenter de revenir aussi sur le pluralisme politique: faire tomber d'abord cet automne un des deux sièges socialistes au Conseil national, celui de Jean-Noël Rey, ce qui ne serait qu'une mise en jambes avant le grand rêve de reprendre en 2009 le fauteuil de la gauche au Conseil d'Etat.
L'affaire semble être partie de loin: en 2003, Le Matin Dimanche publie un article dithyrambique sur le nouveau président du conseil d'administration du Nouvelliste, Jean-Marie Fournier. Un article signé Jean-François Fournier.
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